Titre |
Allergie et Anesthésie Prévention du risque, implications médico juridiques |
Auteur |
Pr Marie-Claire Laxenaire |
Nancy |
Prévenir une réaction allergique peranesthésique équivaut à rechercher les éléments évocateurs d’une sensibilisation aux agents auxquels le patient sera exposé pendant l’anesthésie. C’est à la consultation d’anesthésie que ces facteurs de risque sont détectés, déclenchant une enquête allergologique dont les résultats guideront le choix du protocole anesthésique.
Les
facteurs de risque de sensibilisation et d’anaphylaxie peranesthésique qui
ont été retenus dans les Recommandations pour la Pratique Clinique (RPC) sur
la « Prévention du risque allergique peranesthésique » [réf. 1]
sont au nombre de 5 :
Ø
Allergie connue à un des médicaments
ou produits susceptibles d’être administrés pour l’anesthésie. Dans ce
cas, les conclusions du bilan allergologique antérieur restent toujours
valables. Il ne se justifie pas de le reproduire, sauf si de nouvelles molécules
avaient été commercialisées depuis (cas des curares).
Ø
Signes cliniques évocateurs
d’une allergie lors d’une précédente anesthésie (= réaction anaphylactoïde),
n’ayant pas eu de bilan diagnostique allergologique. Celui-ci doit alors être
fait et les produits à tester sont ceux qui avaient été administrés lors de
l’anesthésie antérieure. Il est donc nécessaire que l’anesthésiste
recherche le protocole pour le transmettre à l’allergologue.
Si le protocole antérieur est introuvable, l’allergologue testera les curares et le latex. Ceci est justifié par le fait que ces deux agents sont à l’origine de 80 % des anaphylaxies peranesthésiques et que la positivité des tests cutanés persistent pendant de très nombreuses années avec les curares.
Ø
Signes cliniques d’allergie
lors d’une exposition au latex, que ce soit en milieu professionnel,
domestique ou lors de soins médicaux ou chirurgicaux. Des tests allergologiques
s’imposent à la recherche d’une sensibilisation au latex.
Ø
Interventions chirurgicales
multiples dès le plus jeune âge (spina bifida, myéloméningocèle) surtout si
l’enfant est atopique. Le bilan allergologique sera orienté vers la recherche
d’une sensibilisation au latex.
Ø
Allergie aux fruits exotiques :
avocat, kiwi, banane, châtaigne. Une sensibilisation au latex doit être
recherchée par le bilan allergologique (en raison d’une fréquence élevée
d’allergie croisée).
La
mise en évidence de ces facteurs de risque oriente le patient vers une
consultation d’allergo-anesthésie où la conduite du bilan allergologique
diagnostique et son interprétation obéiront aux RPC [(réf 1) texte court,
paragraphes 3-4].
Grâce
à la recherche systématique des patients à risque et la pratique du bilan
allergologique préanesthésique ciblé précisément sur ces populations, on
pourra prévenir l’accident en excluant des anesthésies futures le ou les
agents à l’origine de la sensibilisation du patient. La seule prévention de
l’allergie peranesthésique est donc l’éviction de l’allergène.
Aucun
secours ne peut être attendu d’une prémédication médicamenteuse par
antihistaminiques (anti-H1 seul ou associé à anti-H2)
et/ou corticoïdes. Ces médicaments ne peuvent s’opposer à une anaphylaxie.
A la rigueur, ils préviennent les signes mineurs d’histaminolibération
pharmacologique non spécifique, mais sûrement pas les formes graves qui sont
plus volontiers d’origine immunologique.
Une
prévention primaire d’une sensibilisation au latex est possible dans certains
cas, consistant à exclure totalement le latex de l’environnement le plus tôt
possible dans la vie des patients à risque, c’est-à-dire dès la première
intervention chirurgicale pour les enfants atteints de spina bifida ou en
utilisant des gants en latex non poudrés pour les professionnels exposés.
En
cas de plainte, à la suite d’un accident allergique peranesthésique, de
nombreuses sources de responsabilité seront recherchées, aussi bien par les
experts que les magistrats. En l’absence de textes réglementaires officiels,
ils s’appuieront sur les règles de bonnes pratiques existantes, émanant de
la profession. En matière d’allergo-anesthésie, les références seront
recherchées dans les conférences de consensus de la SFAR et avant tout dans
les Recommandations pour la Pratique Clinique (RPC) sur la « Prévention du Risque Allergique Peranesthésique » [réf
1]. Les dérogations aux règles de bonnes pratiques pourront être considérées
comme fautives et entraîner une condamnation du médecin anesthésiste. Il peut
ainsi être trouvé des fautes à diverses étapes : lors de la consultation
d’anesthésie, par absence de recherche des facteurs de risques, absence
de prescription d’examens complémentaires pertinents ou de sollicitation
d’avis spécialisé en cas de risque découvert, ou absence d’information du
patient sur le risque allergique et les moyens de les réduire, mauvaise
coordination interdisciplinaire ; en période
peropératoire, utilisation d’un protocole mal adapté à la pathologie du
patient, erreur de diagnostic et mauvaise prise en charge de l’accident ;
en période postopératoire, absence
d’information du patient sur l’accident, de recherche du diagnostic étiologique
par la pratique du bilan allergologique secondaire, absence de notification dans
le dossier médical et/ou au Centre Régional de Pharmacovigilance [réf 2].
Si
le choc allergique peut être considéré comme un aléa thérapeutique, donc
imprévisible, en revanche la mise en évidence de dysfonctionnements dans la
prise en charge du patient avant, pendant et après l’accident, sera considérée
comme fautif. La prévention des implications médico-judiciaires passe donc par
une actualisation régulière des connaissances en allergo-anesthésie des
anesthésistes et des allergologues, par la rédaction de protocoles et procédures
organisationnelles multidisciplinaires.
Références :
1
- Prévention du risque allergique peranesthésique, SFAR-ANAES, 2001.
2 - Décret n° 95-278 du 13 mars 1995 relatif à la pharmacovigilance et modifiant le code de la santé publique. Journal Officiel du 14 mars 1995.